Page:Haeckel - Religion et Évolution, trad. Bos, 1907.djvu/67

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singe ou de n’importe quel autre animal ». En 1849, le jeune Virchow, alors moniste, avait exprimé avec emphase sa conviction, « qu’il ne se trouverait jamais dans le cas de renier le principe de l’unité de l’être humain, ni aucune de ses conséquences » ; en ce jour, vingt-huit ans plus tard, le sage politicien, devenu dualiste, reniait complètement le dit principe. Il avait jadis enseigné que tous les processus corporels et mentaux ayant leur siège dans l’organisme humain, étaient ramenables à la mécanique de la vie cellulaire ; en 1877 il faisait de l’âme une substance spéciale et immatérielle. Mais il mit le comble à ce discours réactionnaire par son compromis avec l’Église que, vingt ans auparavant, il avait combattue avec la plus vive énergie ; tranquillement cette fois, il déclarait trouver « les seules bases solides de l’enseignement dans la religion de l’Église ».

Ce qui fait le mieux ressortir le caractère de ce discours de Virchow fait à Munich, c’est le vif succès qu’il eut aussitôt dans tous les journaux réactionnaires et cléricaux ; c’est aussi le regret profond qu’exprimèrent toutes les voix de la presse libérale, aussi bien dans le camp politique que dans le camp religieux. Darwin, d’ordinaire si modéré dans ses jugements, écrivit après avoir lu la traduction anglaise de ce discours : « La conduite de Virchow est honteuse et j’espère qu’un jour viendra où il en aura honte ». Dans ma brochure sur « La science libre et l’enseignement libre » (1878), j’ai donné une réplique détaillée à ce discours et j’ai reproduit quelques-uns des articles les plus importants qu’il provoqua[1].

  1. Darwin et Virchow. — La lettre manuscrite dans laquelle le doux Darwin porte sur Virchow un jugement sévère est reproduite à la page 50 de ma Conférence de Cambridge (1898) : De l’état actuel de nos connaissances concernant l’origine de l’homme (9e éd. Stuttgard, 1905). Voici textuellement le passage en question : « Virchows conduct is shameful, and I hope he will some day feel the shame ». Ma réplique au discours de Virchow est reproduite, sous le titre de « Science libre et enseignement libre », dans le 2e volume de mes « Conférences populaires » (Bonn, 1902, p. 199) et elle vient de l’être, en outre, dans la Libre Parole (Nouvelle Société d’édition, Francfort, avril 1905).