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D’jolis marmots par douzaine,
Allons, mon cousin, etc.
PIERRE.
C’dernier mot d’vot’sentiment
Me rend tout je n’sais comment.
REINETTE.
Eh bien ?
PIERRE.
Eh bien !… la chose est faite,
Topez là
Larirette,
Ça me va
Larira !…
ENSEMBLE.
Nous ferons noce complète,
Tout le village en sera
Et pâle, le soir, larirette,
Jusqu’au jour on dansera !
Larira !…


Scène III.

LES MÊMES, LE PÈRE MATHIEU.

(Le duo finit sur un rond. Le père Mathieu avance sa tête au milieu des deux jeunes gens, au moment où Pierre embrasse Reinette.)

PIERRE, poussant un grand cri et s’éloignant.

Ah !

REINETTE.

Père Mathieu ; c’n’est pas gentil d’entrer comm’ça sans frapper.

LE PÈRE MATHIEU, souriant.

On s’en souviendra.

REINETTE.

Non, c’est pas gentil.

MATHIEU.

Allons, pardonne-moi, mignonne, et viens m’embrasser. (Elle lui saute au cou.) Là, je n’ai rien vu. Es-tu contente ?

REINETTE.

Faut bien.

MATHIEU, à Pierre.

Et toi, grand séducteur, est-ce que tu vas me garder rancune longtemps comme ça !

PIERRE, à part.

Il voudrait m’embrasser aussi ; qu’il y vienne. (Il fait le geste de le mordre.)

MATHIEU.

Voyons, ta main.

PIERRE, à part, après avoir longtemps hésité.

Il a la main moite comme un serpent.

MATHIEU.

Comment vont les sabots depuis que je n’ai eu le plaisir de te voir ?

PIERRE, cherchant à se dégager.

Pas mal… comme vous voyez, merci, et vous ? (Il se dégage, souffle vivement dans sa main et l’essuie sur sa culotte comme pour détruire le charme.)

MATHIEU.

Regarde-moi donc en face. On dirait que je te fais peur.

REINETTE, vivement.

Excusez-le, mon parrain, Pierre est un peu timide.

MATHIEU.

Je comprends. Rassure-toi, mon garçon. Que diable ! je ne t’adresse pas de reproches. Il n’est pas défendu d’aimer une jolie fille. (Lui tâtant le coude.) N’est-ce pas qu’elle est jolie, ma mignonnette ?

PIERRE, essuyant son coude.

Oui, oui, certainement, (À part.) Est-il laid, c’chrétien-là, est-il laid !

REINETTE.

Comm’vous v’là brave dès l’matin, mon parrain !

MATHIEU.

Tu sais bien, mignonne, que c’est aujourd’hui qu’on marie la belle demoiselle du château, — un bon petit ange qui te ressemble — c’est pour lui faire honneur que j’ai mis tous ces brimborions-là.

REINETTE, soupirant.

Elle est bien heureuse, la d’moiselle du château.

MATHIEU.

Sois tranquille, ton tour viendra. N’est-ce pas, maître Pierre ?

PIERRE, à part.

D’quoi qu’y s’mêle, j’vous l’demande ?

REINETTE.

C’est pour elle aussi qu’nous avons pris not’beau violon ?

PIERRE, à part, frissonnant.

Son violon !

MATHIEU.

Oui, mon beau violon, comme tu l’appelles… mon seul ami dans le monde.

REINETTE.

Oh ! mon parrain !

MATHIEU.

Après toi, bien entendu.

REINETTE.

À la bonne heure. (Elle le prend par le bras.) Imaginez-vous, mon parrain, qu’on m’a soutenu l’autre jour qu’vous ne l’donneriez pas pour un gros sac d’écus.

MATHIEU, vivement.

C’est vrai.

PIERRE, à part.

Voyez-vous ça.

REINETTE.

Il vaut donc bien cher… bien cher ?

MATHIEU.

Pour les autres, non, pour moi… oui.

PIERRE, à part.

Qu’est-ce que je disais ?

REINETTE.

C’est drôle tout d’même… Un morceau de