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BAUDEVILLE

encore un fragment du discours d’Armel au roi de France, pour le dissuader de lever des impôts :

Sire, tous ces impôts, ces sortes de gabelles,
Sont des inventions diaboliques, cruelles ;
Gardez-vous de donner dans telle exaction…
Vos provinces ne sont du tout point soulevées,
Pourquoi donc les punir par de telles levées ?
Sire, bien loin de faire un coup si désastreux,
Songez à soulager plutôt les malheureux.
Ce n’est pas être roi, mais un simple régent,
Que d’amasser ainsi, sans besoin, de l’argent.
Pensez y bien : les Rois, au jour du jugement,
Rendront compte des biens ravis injustement.
Vous n’avez pas besoin, Sire, de ces gabelles,
Sinon pour engraisser des sangsues trop cruelles…

Malheureusement cette diction si nette, si précise, ne peut appartenir à l’époque de Baudeville, où la langue était à peine formée, où le théâtre français surtout bégayait ses premiers essais ; il y a eu, tout au moins, revision d’un copiste habile ; d’autre part, Baudeville peut être innocent de bien des platitudes qui sentent l’école de Malherbe et de Boileau.

L’œuvre a dû garder sa contexture ancienne : l’enchaînement des scènes, le merveilleux naïf, le mépris des trois unités, sont bien du XVIe siècle ; mais, à être si souvent transcrire, à subir tant de remaniements, la langue primitive s’en est allée ; c’est comme une monnaie qui a passé par bien des mains, et dont l’effigie est presque effacée.


Olivier de Gourcuff