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ALEXANDRE DE RIVIÈRE

ils ont pour nous la valeur des témoignages de Malherbe ou de Pierre Mathieu[1] ; ils sont l’expression toute sincère et bien personnelle des sentiments d’un royaliste attristé, qui paie son tribut de louanges et de larmes au héros d’Arques et d’Ivry :

Ces choses j’escrivois au tems que le chery
Du ciel et de fortune, Henry, le grand Henry,
Après victorieux avoir, par sa vaillance,
Exterminé la Ligue et mis la paix en France,
Avoir busqué fortune et couru tant de fois
Dans l’airain flamboyant des piques et pavois,
Par les sanglans combats et foudroyantes armes
Des Dragons Karrabins[2] et tonnerreux gens d’armes,
Fait couronner la Reyne au milieu de ses ris,
Et de tous ses lauriers, fut, hélas ! dans Paris,
Dedans Paris sans pair, de la meurtrière lame
Assassiné d’un traistre et parricide infame.
L’enfer cuidoit qu’ayant de ce monde arraché
Le père de la France, il auroit bon marché
Des enfans par debats et cruelles tueries,
Et qu’il remettroit sus les civiles furies ;
Mais Dieu le frustra bien par les prudens advis
De la Reyne régente et des Princes unis…
Pleurons, Muse, pleurons, quitte là ton ouvrage…

Le meurtre du 14 mai 1610 avait eu son contrecoup au Parlement de Bretagne : Rivière, on le croirait, travaillait à son poème quand il apprit la triste

  1. Malherbe, lettre du 19 mai 1610. — P. Mathieu, Histoire de la mort déplorable du roi Henri le Grand (Paris, 1611).
  2. Les Karrabins (corruption de Calabriens), étaient des miliciens, des Argoulets, qui venaient de Calabre ; leur arquebuse s’appelait carabine : voilà deux mots qui ont eu des fortunes variées.