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HISTOIRE DE LA CENSURE THÉATRALE EN FRANCE.

renfermer chacun dans un genre spécial, pouvaient soumettre leurs pièces au ministre de l’intérieur, souverain juge de la question de genre ; mais son autorisation no préjugeait en rien la question de censure.

La censure, sous l’Empire, était secondée par le public dans son travail d’épuration morale des théâtres. Il s’était fait une singulière réaction. Après toutes les débauches d’imagination, après tous les dévergondages d’esprit qui s’étaient produits sur les théâtres parisiens pendant plus de dix années, la lassitude et le dégoût s’étaient emparés des spectateurs ; se laissant emporter rapidement sur une pente contraire, ils en étaient arrivés à une pudibonderie intolérante. Les gens éclairés gardaient toutes leurs admirations pour les grandes douleurs tragiques, le peuple n’avait d’oreilles que pour les lourds et larmoyants mélodrames. On ne voulait plus rire. Il est curieux de voir les censeurs s’inquiéter de cette pruderie des spectateurs. À propos d’une reprise des Trois Cousines de Dancourt, œuvre gaie, mais légère, trois d’entre eux, Leniontey, Esménard, Lacretelle, accusent nettement cette situation de l’esprit public. « Il n’y a pas de mal, pensent-ils, que d’anciennes pièces d’un genre un peu leste, et en possession de plaire, viennent protester contre ce rigorisme nuisible à l’art, et qui n’est pas de la vertu, mais une sorte de pédanlisme hypocrite[1] » Et le gouvernement les approuvait, Gouvernement et censeurs étaient dans le vrai. Si l’on doit se montrer impitoyable pour les œuvres qui portent avec elles un enseignement mauvais, on serait inexcusable de ne

  1. Archives du Ministère d’État.