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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/145

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FIGARO.

surexciter leur amour blessé ; en leur donnant l’occasion d’une première revanche, celle du rire, il les met en goût de représailles. Les nobles l’interprètent de la même façon. « Les grands seigneurs, dit la baronne d’Oberkirch, ont ri à leurs dépens et, ce qui est pis encore, ils ont fait rire les autres. Ils s’en repentiront plus tard… Beaumarchais leur a présenté leur propre caricature et ils ont répondu : « C’est cela, nous sommes fort ressemblants ». Étrange aveuglement ! »

Ils s’en repentirent. Ce fut contre eux, et non contre le gouvernement royal, que se fit la Révolution. « Qui le croirait ? dit Rivarol. Ce ne sont ni les impôts, ni les lettres de cachet, ni tous les autres abus de l’autorité, ce ne sont point les vexations des intendants et les longueurs ruineuses de la justice qui ont le plus irrité la nation, c’est le préjugé de la noblesse, pour lequel elle a manifesté plus de haine. » Or c’était tout justement ce préjugé qu’en 1784 bafouaient, ruinaient et le rire insultant des plébéiens du parterre et le rire inconsidéré d’une aristocratie en déroute.

Le rôle de l’histoire est toujours de choisir, dans la confusion des événements, certains faits ou certaines œuvres afin de leur donner un aspect symbolique. C’est ce qui est advenu pour le Mariage de Figaro. Incertain dans la pensée de l’auteur, déjà plus net dans l’esprit des premiers spectateurs, le