Page:Halphen - Introduction à l'histoire, 1948.pdf/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
introduction à l’histoire

complète d’un document quelconque sans s’être au préalable familiarisé avec les mœurs, les institutions, l’état d’esprit de l’époque à laquelle il appartient — ce qui constitue, il est vrai, une sorte de pétition de principe, mais comme il s’en rencontre au seuil de toute science, où rien ne peut jamais suppléer à l’expérience.

Ni sous ce rapport, d’ailleurs, ni sous celui de la langue, l’obstacle n’est tel qu’il puisse faire douter de l’histoire. On ne peut douter que des audacieux qui, se lançant à l’étourdie et sans préparation sérieuse à l’assaut du passé, croient pouvoir interpréter les documents au gré de leur fantaisie.

On se heurte aux mêmes difficultés et l’on en triomphe pareillement si, des documents d’archives, témoignages spontanés de leur temps, on passe aux récits dus à la plume d’écrivains qui ont consigné par écrit les faits auxquels ils ont assisté, dans l’intention soit d’en garder pour eux-mêmes le souvenir, soit de renseigner leurs contemporains ou la postérité. Mais, cette fois, il faut le reconnaître, nous quittons le terrain solide de ce qu’on pourrait appeler les données immédiates du passé pour entrer dans le domaine mouvant du témoignage humain.

Est-ce à dire que l’histoire n’ait rien à en tirer ? Contre une conclusion aussi radicale, nous avons déjà pris position en indiquant sommairement au début de ce chapitre ce qu’on peut espérer, malgré tout, obtenir d’un témoin, pourvu qu’il ait été en situation de bien voir, d’entendre et de comprendre. Qu’il s’agisse d’un narrateur dont nous n’avons