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introduction à l’histoire

matiques ; d’un prix inestimable sur la personnalité de Louis XI, le témoignage de Commynes, qui a vécu dans l’intimité du roi de France, n’est qu’un écho quand il s’agit, par exemple, des affaires intérieures de la Castille ou de l’Angleterre, où il n’a fait que de brèves apparitions. Des constatations de ce genre dictent l’attitude à adopter en face de leurs récits : en aucune circonstance, sans doute, on ne croira de tels témoins sur parole, mais le domaine des faits sur lesquels ils peuvent utilement témoigner étant délimité avec netteté, on n’accueillera leurs propos, quand ils se permettent d’en sortir, qu’avec un surcroît de précautions.

La forme même donnée par le narrateur à son exposé constitue enfin un important élément d’appréciation, qu’un historien averti n’a garde de négliger. Plutôt qu’au récit mûri à loisir, mais souvent complété à l’aide de renseignements venus du dehors, sa préférence va, le cas échéant, aux notes rapides où le témoin a consigné d’abord ses observations jour après jour. Dans leur spontanéité primesautière, elles ont sur une rédaction plus étudiée et plus cohérente l’avantage d’une sincérité et d’une fraîcheur d’impressions qui en doublent le prix. De même, en cas de déposition orale, le récit improvisé est toujours préférable à celui dont l’auteur a pu soigneusement peser les termes et calculer les effets.

Mais, ceci dit, quel est l’enquêteur qui prendrait sur lui de tenir pour nulle et non avenue la seconde forme d’exposé ? Qui n’en voit même, à certains égards, les avantages : ceux que vaut à un témoin consciencieux l’effort nouveau de mémoire et de réflexion auquel il s’astreint au moment de donner à ses souvenirs leur expression définitive ? S’il a mesuré comme il sied les risques d’une confiance trop