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TITIEN.

Il regarde, il semble suivre dans l’espace une image idéale, il est encore avide d’exprimer cette beauté de l’univers et de la forme humaine qu’il a célébrée tant de fois. Quelques années plus tôt, il proposait à Philippe II de peindre les victoires de Charles-Quint, une autre fois toute l’histoire de saint Laurent. Le roi ne donna pas suite à cette proposition ; mais quelle incroyable énergie d’invention et d’activité cela suppose ! Dans sa quatre-vingt-dix-huitième année, il peignait un buste du Christ portant le Globe, où la fatigue de la main se fait sentir, où la flamme de l’esprit brille encore. L’année qui précéda sa mort, il avait traité avec les Frari pour être enseveli dans leur église où se trouvaient deux de ses chefs-d’œuvre, l’Assomption et la Vierge de la famille Pesaro. Il esquissa pour sa chapelle tombale une Pieta, qui manifeste une singulière puissance de composition et de pathétique. Mais enfin l’heure de la mort avait sonné. Encore fallut-il que la peste ravageât de nouveau Venise pour que cette vitalité magnifique fût vaincue. Titien mourut en 1576. Son fils Orazio, qui depuis longtemps l’aidait dans ses travaux, le suivit quelques mois après dans la tombe. Le maître fut enseveli à Saint-Marc. Il laissait un héritage de beauté et de gloire immortelles que le temps accroîtra toujours ; à grand’peine il avait entassé une fortune considérable, dont une partie fut pillée après sa mort, dont l’autre fut dissipée, en quelques années, par son fils Pomponio.

Si maintenant l’on jette un coup d’œil d’ensemble sur cette carrière si féconde en œuvres, on sera frappé surtout