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TITIEN

une ruse paysanne qui tempérèrent heureusement la mollesse abandonnée de Venise. La culture de ses ancêtres l’avait préparé à acquérir cette aisance supérieure d’esprit et de manières qui le mit sur le pied d’égalité avec les hommes les plus distingués et les plus grands personnages de son temps.

D’après les portraits qu’il nous a laissés de lui-même, Titien était un homme de haute taille et de solide charpente : des traits plus grands que nobles, des yeux noirs et pleins de feu sous un front vaste, les tempes très larges, le nez aquilin et fort, les maxillaires prononcés et le menton volontaire. C’est un personnage fort imposant. Avec sa physionomie animée et réfléchie, son air d’autorité, on le prendrait volontiers pour un homme d’État ou de grand négoce. Dans ses derniers portraits, l’expression soucieuse s’aggrave, moins celle du rêveur qui fait un retour ardent sur lui-même que de l’homme d’action qui domine les éléments de la réalité. En fait, il possède une puissance d’organisation supérieure. Son génie est moins une intuition jaillie de l’âme et qui soumet la nature à un idéal impérieux, qu’une admirable faculté de compréhension qui étreint avec une sympathie enthousiaste les formes les plus diverses de la beauté et du caractère. Sa réceptivité est universelle. Il pétrit et refond dans sa conception chaleureuse tous les éléments fournis par la nature ; il les assujettit au rythme de son esprit lucide : il recrée l’univers sous des formes plus simples et plus pures.

Un tel génie, dont la puissance s’enveloppe de tant