Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/19

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de charme, devait trouver, dans une ville comme Venise, le plus favorable terrain de culture. En 1487, Titien y fut amené avec son frère aîné et confié aux soins d’un oncle. Mis en apprentissage chez le mosaïste Zuccato, il passa de là dans l’atelier de Gentile, puis de Giovanni Bellini. C’est à Venise que son esprit et sa vision se formèrent. Il s’y attacha invinciblement. Il ne s’en éloigna guère que pour de courtes absences dans les villes voisines ; plus tard, il poussa jusqu’à Rome et Augsbourg ; mais toujours il revint au pays natal, à l’admirable paysage de mer, de plaines ondulées et de montagnes qui va des Alpes au Lido ; il resta fidèle à la cité dont le charme l’avait conquis. Son tempérament vigoureux se nourrit, sans s’amollir ou se dissoudre, des mille sensations exquises et joyeuses qui flottaient alors dans l’atmosphère enchantée de Venise. Sa riche nature avait pour règle une sage pondération, une noblesse de sens qui, accueillant toutes les jouissances de la vie, les transmuait en beautés éternelles.

Venise avait alors atteint et presque dépassé l’apogée de sa puissance. La période héroïque était close : les grandes voies commerciales allaient se déplacer. Elle vivait sur l’acquis, sur la richesse et le bien-être accumulés pendant des siècles et qui l’avaient parée comme une princesse de légende. Dans l’atmosphère irisée et moite des lagunes, suspendue entre ciel et mer, elle épanouissait la féerie de ses marbres polychromes, la grâce vivante de ses palais, la douceur de son luxe où la splendeur orien-