Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/23

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Tel était l’état de l’école vénitienne, au moment où Titien reçut l’héritage que son génie devait magnifiquement amplifier. La grande génération du XVIe siècle sortit tout armée de l’atelier de Giovanni Bellini. À côté de Lorenzo Lotto, de Marco Basaiti, de Cima da Conegliano, Titien y put connaître, comme compagnons d’études, Giorgione Barbarelli et Palma le Vieux, le premier de quelques années plus âgé, le second sans doute un peu plus jeune que lui : à eux trois, ils allaient prendre la tête de la génération qui débute vers 1500. Cette génération fait faire un pas décisif à l’art vénitien. Elle s’affranchit des entraves de la composition hiératique, élargit le point de vue, humanise et naturalise l’art. Elle donne plus de liberté à la conception, plus de richesse et de souplesse à la couleur, plus d’animation et de grandeur à la forme. Aux définitions délicates, mais timides encore et comme immobiles de l’âge précédent, elle substitue la vraisemblance parfaite, le naturel des gestes, les souples inflexions de la forme vivante, l’expression nuancée des caractères et de la vie morale.

À qui revient l’honneur d’avoir frayé la route ? Les témoignages contemporains sont d’accord pour attribuer la première initiative à Giorgione. D’après Vasari, « c’est Giorgione de Castelfranco qui commença à donner à ses figures plus de mouvement et de relief dans une belle manière ». Une œuvre comme le Concert champêtre, du Louvre, marque en effet un pas décisif. Le paysage que déjà Bellini indiquait dans ses fonds,