Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/64

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et ramenées en avant sur l’épaule gauche viennent jouer sur la gorge que découvre à demi l’ample chemise plissée, et le riche manteau de brocart, dont la main gauche renverse à flots les plis ; de la droite, elle offre une poignée de fleurs. Cela est ingénu, radieux et fleuri ; un délicieux poème de vénusté.

Cependant l’expression définitive de ce thème est au Louvre ; dans une œuvre où la magie du clair obscur, l’ampleur et la finesse du modelé, la puissance du rayonnement lumineux sont incomparables. Ramenant de la main droite une tresse de ses cheveux d’or, Laura se regarde dans le miroir que lui présente un cavalier entrevu dans la pénombre ; derrière elle, un autre miroir où sa nuque se reflète, luit faiblement comme un diamant noir. Le visage, le bras droit émergeant d’une large manche, la poitrine, dont la rondeur pesante fait plier le souple corset rayonnent dans un fluide chaud et vivant, au centre des tons neutres et sourds. Rien qui éclate en cette grave harmonie, mais une chaleur concentrée, un charme tranquille et profond, une sorte de recueillement sacré autour de la beauté.

Dans ces mêmes années, Titien, remplissant les obligations de sa charge officielle, peignit les portraits du doge Grimani et de son successeur Andrea Gritti, dont il était l’ami particulier ; ce dernier seul nous reste. À la demande de Gritti, il exécuta aussi dans un escalier du palais des Doges, une fresque où l’on a voulu voir une allusion politique, un colossal saint Christophe, traver-