Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/72

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tin, causeur original et brillant, tint plus d’une fois sa place. Ces portraits d’Adorno et de l’Arétin sont perdus ainsi que plusieurs tableaux exécutés pour Alphonse d’Este, dans un séjour prolongé que Titien fit à Ferrare, en 1528. À cette date se rattachent une Annonciation peinte pour la confrérie de San-Rocco ; une Madone avec l’enfant entourée de Joachim, d’Anne et de saint Jérôme pour le petit village de Zoppé, voisin de Pieve di Cadore.

Une œuvre considérable réclamait alors tout l’effort de Titien, la mort de saint Pierre martyr, commandée par une confrérie de dominicains. Brûlée en 1867, nous ne la connaissons que par le témoignage de ceux qui l’ont vue, par des copies et des gravures ; c’est assez pour apprécier l’originalité d’une scène tragique et réaliste où le divin n’apparaît que sous la forme de deux anges volant dans le ciel avec la palme du martyre. Dans ce sujet religieux, l’effet n’est demandé qu’à la vérité humaine des expressions, à la puissante arabesque des formes de nature.

Suivant la logique de son génie, Titien devait associer toujours plus étroitement la nature aux émotions humaines. Et non seulement la campagne, le ciel, les perspectives d’architecture serviront de soutien et d’enveloppe aux thèmes graves ou tendres ; mais Titien, bien avant les Hollandais, et dans un sentiment aussi large que Rembrandt, conçoit le paysage comme un genre qui se suffit, en tire des effets non moins mystérieux et non moins profonds. Cette tendance que nous avons observée