Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/80

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derrière Vénus s’appuie à son épaule et rit malignement en regardant sa victime. D’une exécution plus froide et plus appuyée, cette toile ne possède pas à beaucoup près le charme léger, intime et tendre de l’allégorie de d’Avalos.

L’hiver de 1531-33 ramena Charles-Quint à Bologne. Titien convoqué aussitôt fit alors deux portraits de l’Empereur, l’un en armure qui n’est pas venu jusqu’à nous ; l’autre en costume de cour, conservé au musée du Prado. Bien qu’il se soit quelque peu assombri avec le temps, celui-ci a gardé tout son charme de distinction souveraine et de sobre magnificence. Charles-Quint est debout dans une attitude parfaitement simple et calme, la main droite sur la dague, la gauche tenant le collier d’un grand dogue fauve. On ne peut imaginer quelque chose de plus royal. Cette dignité froide, cette forte et entière assurance de la physionomie, du geste et de la pose, font pressentir les royales effigies de Vélasquez, et l’on comprend, devant cette œuvre hautaine, tout ce que le maître espagnol dut au maître italien. Peu d’hommes ont laissé plus d’effigies d’eux-mêmes que Charles-Quint. Souvent déjà, les maîtres allemands avaient reproduit avec leur énergique franchise, sa rousseur pâle, sa lèvre inférieure proéminente et sa mâchoire de loup. Mais le César germain n’avait pas encore rencontré le grand artiste qui, sans trahir la vérité, sut l’embellir et la parer de toute la grandeur de son imagination, et qui traduisit en sa pleine dignité, en sa force, en sa gravité froide