Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/84

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Rembrandt par le sentiment pathétique. Titien eut sous les yeux d’admirables modèles ; une humanité d’esprit et de mœurs affinés, entière dans ses instincts et violente dans ses passions ; de ces personnalités fortes et fines, il a donné des définitions magnifiques de certitude et qui réalisent une sorte d’absolu. Avec une merveilleuse souplesse, il a parcouru toute la gamme des caractères, aussi parfait interprète de l’éternel féminin que des virilités les plus rudes. Il a joint l’analyse pénétrante à la sobre synthèse. Que l’on passe en revue ces effigies superbes d’énergie ramassée, de puissante concision, où la vie semble apparaître toute dans l’éclair d’un instant ; il est rare que la vérité particulière n’y prenne une valeur typique. Quelle image de la jeunesse ardente et rêveuse que l’Homme au gant du Louvre, si nonchalant et si passionné dans son attitude détendue ! Ne résume-t-il pas bien ce moment où la grâce parfaite des manières n’a rien atténué des énergies naturelles ? Groupez autour de cette œuvre si gracieuse et si forte, deux autres portraits du Louvre ; cet homme maigre au long visage blême, au nez coupant, aux regards clignotants, aux lèvres minces, qui semble brûlé par quelque ardeur secrète, passion du jeu ou des femmes ; et cet autre, inquiétante et tragique figure de condottiere, aux tempes rentrées, aux yeux voilés, maigre face encadrée et comme resserrée par le fer à cheval de la barbe ; rappelez-vous au Musée de Munich, cet élégant, que l’on a pris à tort pour l’Arétin, ce personnage fin et fat,