Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/92

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soulevé y prend une robe, une autre femme en rouge est debout auprès d’elle, la manche retroussée ; les losanges du pavé de marbre, une colonne, un vase de fleurs, des cimes d’arbres qui montent dans le ciel calme, tout est caressé avec amour, tout évoque l’habituelle et tranquille allure de la vie heureuse, tout fait un cadre à souhait à la royale beauté qui se laisse vivre en ce somptueux et délicat décor. Faut-il voir un portrait dans cette admirable créature idéalisée par la poésie de la couleur ? On croit retrouver le même type féminin au palais Pitti dans une figure très brillante, en riche costume violet sombre relevé d’or. La chaleur du coloris, la beauté palpitante de la chair, les traits fins, les yeux plus éveillés présentent une analogie frappante avec la Vénus de Florence ; il paraît bien que la même réalité, à la même date, inspira au peintre cet autre chef-d’œuvre.

Vingt ans s’étaient écoulés depuis que Titien, en acceptant la charge de courtier au Fondaco dei Tedeschi, s’était engagé à peindre pour la salle du Grand Conseil un tableau de bataille. Il avait bien depuis lors terminé la toile de Bellini qui représentait Barberousse s’humiliant devant Alexandre VI dans l’église de Saint-Marc ; mais, malgré les avertissements répétés de la Seigneurie, absorbé qu’il était par les commandes des particuliers et des confréries, il ne s’était pas acquitté de ses engagements. En 1537 le Grand Conseil prit des mesures sévères à son égard ; il fut condamné à restituer tous les revenus de sa charge depuis vingt ans. On lui infligeait de plus l’humi-