Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sition qui s’appelle la contradiction. La position d’Aristote est bien différente. Il ne connaît pas d’autre enchaînement rationnel entre les concepts que l’enchaînement analytique. La principale raison qu’il y ait de méditer sur l’opposition des concepts n’existait donc pas pour lui. Cependant on trouve chez lui une théorie de l’opposition des concepts, qui, malgré ses imperfections, est considérable et à laquelle l’esprit humain paraît s’être tenu jusqu’au temps de Kant. D’une part, en effet, les Scolastiques se sont contentés sans doute de fixer la doctrine d’Aristote dans des formules encore plus arrêtées que les siennes. On peut voir, par exemple dans le Lexicon de Signoriello[1], qu’Albert le Grand ne fait que résumer très nettement, mais aussi très littéralement, Aristote. D’autre part Hamilton, pour qui la philosophie post-kantienne n’existe pas, mais qui possède, hors de là, une connaissance extrêmement étendue de la littérature logique, ne signale rien qui dépasse les vues d’Aristote, et la doctrine qu’il fait sienne n’est, en somme, qu’un appauvrissement de celle d’Aristote ; c’est celle d’Aristote réduite aux exigences de la logique formelle[2].

Comment donc Aristote a-t-il été amené à spéculer assez sur l’opposition des concepts, pour en donner une théorie qui a si longtemps régné et dont certaines parties méritent de durer encore ? Les raisons qui appelaient l’attention d’Aristote sur l’opposition sont, semble-t-il, au nombre de trois. D’abord les contraires, qui jouent un grand rôle dans la physique des Anté-socratiques, n’en jouent pas un moins considérable dans celle d’Aristote. Tout changement, selon lui, va d’un opposé à un autre, et notamment d’un contraire à un contraire. Il fallait donc, pour fonder sa théorie du changement, qu’il définît les opposés, et qu’il déterminât les rapports possibles des opposés entre

  1. Signoriello, Lexicon peripateticum philosophico-theologicum, in quo scholasticorum distinctiones et effata praecipua explicantur (Éd. de 1881), p. 69 sq.
  2. Lectures on logic, Lect. XII, II 42, I, 213-216 (2e éd., Mansel et Veitch, 1866).