Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/166

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exemptes de composition et de division, nous reconnaissons les concepts, ou du moins le type essentiel et primordial des concepts. Les pensées dans lesquelles il y a de la composition et de la division sont, bien que le mot soit étranger à la langue d’Aristote, les jugements. Ainsi, tandis que le concept est essentiellement quelque chose d’un et de simple, le jugement est essentiellement quelque chose de multiple et complexe. Sans doute le jugement a aussi son unité et on ne peut songer à le définir exclusivement par son caractère de multiplicité et de complexité. Mais, d’une part, l’unité du jugement n’est pas naturelle, mais faite ; et, de l’autre, bien qu’elle puisse avoir un fondement dans la réalité, elle provient de l’esprit, elle est plus subjective que l’unité du concept[1]. Nous verrons tout à l’heure pourquoi la pensée discursive est plus subjective que l’intellect au sens étroit.

Commençons par considérer de plus près la composition et la division, qui sont le premier caractère du jugement. Platon avait dit que, pour constituer le discours, il faut au moins un nom et un verbe (Soph. 262 a). Au fond Aristote n’est pas d’un autre avis. Sans doute il dit dans la Poétique (20, 1457 a, 24) que tout discours ne se compose pas d’un nom et d’un verbe, par exemple la définition de l’homme[2]. Mais l’Hermêneia nous dit qu’un tel discours n’est pas celui qu’il faut, comme nous verrons, considérer dans une théorie du jugement, qu’il n’est pas un λόγος ἀποφαντικός[3]. Nous pouvons donc partir de ce point que, pour Aristote comme pour Platon, un jugement suppose l’assemblage d’un nom et d’un verbe. — Or que signifie un verbe ? Aristote est très frappé du fait que le verbe marque les temps ; cependant il ne fait pas de cela la fonction principale du verbe :

  1. De An. III, 6, 430 b, 5 : τὸ δὲ ἓν ποιοῦν, τοῦτο ὁ νοῦς ἕκαστον, et Métaph. Ε, 4, 1027 b, 29 : ἐπεὶ δ’ ἡ συμπλοκή ἐστιν καὶ ἡ διαίρεσις ἐν διανοίᾳ ἀλλ’ οὐκ ἐν τοῖς πράγμασι…
  2. Par où il faut entendre, semble-t-il, le second terme de la définition : animal raisonnable mortel. Οὐ γὰρ ἅπας λόγος ἐκ ῥημάτων καὶ ὀνομάτων σύγκειται οἷον ὁ τοῦ ἀνθρώπου ὁρισμός, ἀλλ’ ἐνδέχεται ἄνευ ῥημάτων εἶναι λόγον.
  3. 5, 17 a, 11 : καὶ γὰρ ὁ τοῦ ἀνθρώπου, ἐὰν μὴ τὸ ἔστιν ἢ ἢ ἦν ἔσται ἤ τι τοιοῦτο προστεθῇ, οὔπω λόγος ἀποφαντικός.