Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/249

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un fait est unique, il est exclu de la science. Corrélativement, il faut alors que ce qui rend une chose ou un fait connaissable scientifiquement, ce soit la constance avec laquelle ils se répètent : manière aussi empirique que platonicienne de comprendre la science ; car, en dépit d’intuitions plus profondes, les mêmes que chez Aristote avec cette différence qu’elles sont encore moins dégagées, la conception de la science chez Platon est encore primitive, rudimentaire et extérieure. Cette conception tout extensive paraît bien compter sérieusement dans la pensée d’Aristote, puisque nous le voyons admettre que, s’il n’y a de science, au plus haut sens du mot, que de l’universel, il y a pourtant aussi une certaine science de ce qui arrive le plus souvent, c’est-à-dire, à ce qu’il semble, de ce qui, sans atteindre à la constance, en approche[1]. C’est par une double conséquence de cette part considérable faite à l’universel dans la définition de la science, que la science, telle que la conçoit Aristote, est à peu près bornée au point de vue statique et qu’elle risque, en opposition avec le fond même de l’esprit aristotélicien, d’expliquer le supérieur par l’inférieur. — Le premier point est évident. L’universel, dégagé de la comparaison de tous les cas, est un résidu mort. L’explication des cas particuliers revient à reconnaître en eux la présence de ce résidu inerte. Pourquoi tel être ou tel fait est-il ou arrive-t-il de telle ou telle façon ? C’est parce que le type de tel être a toujours été tel, ou la place de ce fait parmi d’autres toujours telle. Le devenir est par là éliminé, non expliqué. De fait, chez Aristote comme chez Platon, l’essence est éternelle, et, la cause motrice se ramenant elle-même à l’essence, ce qui se produit s’explique en disant que, quant à ce qu’il y a en elle d’universel, la chose produite a toujours été. En prenant donc la pensée d’Aristote sous cet aspect, on trouve qu’elle ne rend aucun compte du mouvement et du progrès des choses. — Elle ne rend pas compte davantage de leur diversité, et c’est là ce qui nous faisait dire tout à l’heure qu’Aristote risquait d’expliquer le

  1. Métaph. Κ, 8, 1065 a, 4-6 ; An. post. I, 30, 87 b, 22-25. Cf. Zeller, p. 232, n. 5 et supra, p. 126, n. 3.