Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/289

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et par exemple Empédocle, invoquaient à l’occasion l’action du hasard (4, 195 b, 36 et 196 a, 16). Une autre objection, que nous savons par Eudème être de Démocrite[1], est plus sérieuse. Il y a toujours, énonce-t-elle, une cause déterminée de tout événement : par exemple, rencontrer quelqu’un sur la place publique sans y compter a pour cause qu’on s’est rendu sur la place publique afin de faire un achat. Aristote ne conteste pas l’assertion de Démocrite ; mais elle ne fait, remarque-t-il, que nous porter encore plus à croire à l’existence du hasard. Car on a beau connaître la cause dont il s’agit, le fait de la rencontre apparaît néanmoins comme un hasard (196 a, 11). Le fait de hasard a d’ailleurs une caractéristique sur laquelle tout le monde tombe d’accord. Tout le monde parle de faits rares, de faits exceptionnels, et tout le monde entend par là des faits de hasard, tellement que les deux expressions se réciproquent. Et qu’il y ait, pour répondre à cette caractérisation verbale, des faits réels, c’est ce qui résulte, d’une part, de ce que l’existence incontestée de faits constants, ou de faits arrivant la plupart du temps, requiert par opposition l’existence de faits rares, et, d’autre part, de ce que nous constatons dans notre expérience la présence de tels faits (5 déb. à 196 b, 17). — Remarquons que la caractéristique invoquée par Aristote, et qui relève du point de vue de l’extension, est extrêmement défectueuse. Il se peut qu’un fait de hasard soit, au moins en général, un fait rare. Mais, quoi qu’Aristote en dise, il n’y a pas réciprocité. S’il parvient à dire sur le hasard des choses qui portent, c’est grâce à l’emploi des expressions « par accident », « accidentel », auxquelles il donne le sens, non pas de rare, mais de contingent. Il faut d’ailleurs signaler que, si Aristote se plaît à insister sur ce caractère de rareté dans les exemples de faits fortuits qu’il allègue, ce caractère ne tient en revanche aucune place dans sa définition du hasard. — Cette définition, Aristote l’applique à une espèce du hasard ; mais peu importe : elle contient tous les

  1. Voir Zeller, I³, 868-872 et surtout 871, 1 (tr. fr. II, 304-307 ; 306, 4).