Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/340

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, ou de plusieurs moteurs-mus. Soit la seconde hypothèse : une pierre est mue par un levier, le levier par la main, la main par l’homme. Comme il faut que la série des intermédiaires soit finie, on arrive à un moteur premier, ou qui meut directement. Si celui-ci est mû par quelque chose, il faut que ce soit par lui-même (5 déb.-256 a, 21). Supposé que l’on renverse en quelque sorte la procédure précédente et que, au lieu de remonter du mû au moteur, on essaye de partir du moteur pour aboutir au mû, on voit bien encore que l’on ne peut aboutir, si la série des intermédiaires n’est pas finie, qu’il est nécessaire de s’arrêter et que, par conséquent, le moteur d’où on est parti est bien un moteur premier (256 a, 21-b, 3), — Un nouvel argument va nous conduire à la même conclusion. Supposons que toute chose mue le soit par un moteur-mù. De deux choses l’une : ou bien ce moteur-mû est mû par accident, ou bien il est nécessaire qu’il soit en mouvement, encore que son mouvement soit emprunté. Dans le premier cas, la supposition que le moteur-mû ne serait pas en mouvement peut être fausse et condamnée par les faits ; pourtant elle reste possible (cf. De caelo I, 12, 281 b, 2 sqq.) ; par suite, il serait possible aussi que le mouvement ne fût pas ; or nous savons que le mouvement est nécessaire (256 b, 3-13). Dans le second cas, on se heurte à des difficultés non moins graves. Sans doute, si le moteur-mû est nécessairement en mouvement bien que son mouvement soit emprunté, le mouvement nécessaire du monde ne reçoit aucune atteinte. Mais quel mouvement possède le moteur-mû ? Est-ce celui qu’il communique ? Ce serait concevable si les moteurs-mus recevaient eux-mêmes le mouvement en question d’un moteur d’un autre ordre. Mais l’hypothèse est précisément qu’il n’y a que des moteurs-mus. Si donc le moteur-mû est mû lui-même du mouvement qu’il communique, autant dire que ce qui enseigne la géométrie l’apprend en même temps. La forme à transmettre n’est possédée nulle part. Dira-t-on que le moteur-mû est mû d’un autre mouvement que celui qu’il communique ; qu’il imprime une translation par exemple, et que lui-même, pendant ce temps, n’est pas transporté, qu’il est altéré :