Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/342

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moteur qui se meut lui-même ne reçoit de lui-même son mouvement que par accident. Il se meut lui-même en tant que le mobile est chez lui considéré comme indistinct du moteur. Mais en réalité il contient une partie mue et une partie motrice immobile (257 a, 27-258 a, 5). — On arrive à la même conclusion en considérant quels éléments il faut pour constituer une chose se mouvant elle-même. Elle peut renfermer une partie Γ, susceptible d’être retranchée parce que cette partie était purement mue. Le reste ΑΒ est encore une chose se mouvant elle-même. Si la partie Α est telle qu’on ne puisse la supprimer sans supprimer le mouvement, Α était donc un moteur immobile, et Β, un pur mobile. Il n’y avait point unité entre ces deux parties, elles ne faisaient que se toucher, ou du moins le moteur touchait le mobile[1]. Si l’on peut retrancher quelque chose de Α et de Β sans empêcher le mouvement de subsister dans les parties restantes et contiguës d’Α et de Β, les touts Α et Β n’en étaient pas moins en acte, et, avant que la division changeât la nature des fragments enlevés, les parties intégrantes du moteur qui se meut lui-même. D’ailleurs, si l’on veut dire que le tout ΑΒ n’est pas immédiatement un moteur qui se meut lui-même et qu’il n’est cela que par la présence en lui d’une partie de Α et d’une partie de Β, le moteur se mouvant soi-même, ainsi dégagé, reste toujours composé d’un moteur immobile et d’un mû (258 a, 5-b, 4). Il est donc évident que le moteur premier est immobile, soit qu’on arrive directement à ce moteur immobile, soit qu’on le dégage par analyse du moteur se mouvant lui-même. — Cette conclusion est de nature à satisfaire la raison. Car voici une considération particulièrement frappante d’où résulte directement l’existence d’un moteur immobile. Nous constatons l’existence de moteurs-mus et d’un mû qui ne meut plus rien : il est donc rationnel, pour ne pas dire nécessaire, qu’il existe un moteur immobile. Ce que le mû purement mû est au moteur-mû, le moteur-mû doit l’être au moteur immobile. Anaxagore a eu le senti-

  1. L’agent doit toujours toucher le patient : mais la réciproque n’est pas vraie, De gen. et corr. I. 6, 323 a, 31-33.