Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/98

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que lui prête Zeller[1]. Pour marquer que la prudence, au sens large, n’est pas restreinte à la vie individuelle, Aristote dit que c’est elle au fond qui, sous le nom de politique, règle la moins individuelle de toutes les vies, la vie de la cité. Mais Aristote ne dit pas que la vie de la cité est toute la vie collective. Lors donc que, quelques lignes plus bas, il mentionne à son tour l’économie comme un domaine où règne la prudence au sens large, ce n’est pas une subdivision de la politique qu’il désigne, c’est un territoire voisin de celui de la politique. Donc le premier texte garde toute sa signification et contient bien la triple distinction de l’éthique, de l’économique et de la politique. Observons d’ailleurs que ce texte est confirmé par les deux premiers chapitres de la Politique (voir notamment le début du ch. 2) : il est bien connu qu’Aristote fait sortir la πόλις de l’οἶκος, la cité de l’association familiale, premier groupement naturel des individus. Ce premier groupement naturel paraît tout indiqué pour être l’objet d’une science à part. Enfin Zeller est bien obligé d’avouer[2] que la distinction de l’économique et de la politique est dans Eudème. Eudème en effet, après avoir dit que le bien c’est la fin en tout art, et notamment dans l’art qui est le maître de tous, continue en ces termes : αὕτη δ’ ἐστὶ πολιτικὴ καὶ οἰκονομικὴ καὶ φρόνησις (i. e. ἠθικὴ) (Éth. Eud. I, 8, 1218 b, 13). Des insinuations d’Aristote, appuyées par une assertion nette d’Eudème, équivalent à une déclaration expresse d’Aristote. Mais la dernière et capitale objection de Zeller, à propos de laquelle nous allons ajouter à la classification d’Aristote telle que nous l’avons résumée, un complément indispensable, est fondée sur ce que cette classification ne fait pas de place à la logique. Il serait inadmissible, selon Zeller, qu’Aristote, après tant de soins donnés à la logique, ne l’eût pas comptée comme une partie intégrante de son système. Sans doute tous les commentateurs, depuis Alexandre[3], professent que la logique n’est pas une par-

  1. P. 181 sq. ; notes 6 de la p. 181 et 1 de la p. 182.
  2. P. 181, n. 6.
  3. P. 182, n. 5. Cf. Alexandre, commentaire des An. pr., début (Schol. 141 a, 19, 24).