Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/77

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saires qui se chargent du passage en parlant d’infinité. Cette interprétation, quoique répondant moins, encore une fois, aux déclarations les plus expresses et les plus habituelles de M. Renouvier, est cependant confirmée, rendue même incontestable par de bons textes. D’abord (et certes nous ne citerons pas tout ce qu’il faudrait citer) il y a le mot de synthèse qui revient souvent dans la réponse à Lotze et qui y est appliqué à l’infini actuel ; en second lieu on trouve dans un article sur Stuart Mill (Crit. philos., 1876, II, 161 milieu), cette synonymie significative « infini actuel ou infini sommé » ; enfin la définition de l’infini actuel que nous avons citée au début de la partie de cette leçon qui concerne le Principe du nombre spécifie très formellement que l’infini actuel est une collection effectuée et un assemblage. — Maintenant, que vaut la doctrine de M. Renouvier sur l’infini une fois qu’on l’a présentée sous cette forme historiquement légitime ? Remarquons d’abord qu’un penseur qui n’est pas suspect d’animosité contre l’infini, M. Lachelier, comprend lui aussi l’infini en acte comme étant un tout et pour cette raison le déclare impossible (Revue de Métaphysique, novembre 1903, pp. 700-701[1]). Ensuite si nous nous mettons en face de cette idée, elle paraît très solide. Car enfin qu’est-ce qu’une pluralité sans nombre ? Est-ce, comme le pensent les adversaires de M. Renouvier, une pluralité infinie en acte ? Non : c’est une pluralité pure et simple si l’on prend le mot sans nombre dans son sens naturel. Si l’on donne au mot sans nombre le sens de plus grand que tout nombre assignable, il faut bien qu’on ait essayé de nombrer la pluralité en question pour la dire ainsi plus grande que tout nombre. Comparer une pluralité pure et simple avec un nombre, cela n’aurait pas de sens. On ne compare avec un nombre que quelque chose qu’on a déjà élevé au rang du

  1. Autrement dit « l’observation de Platner » dans le volume Études sur le syllogisme, p. 134 : « Je prends pour accordé qu’il n’y a pas d’infini numérique actuel, en d’autres termes que tout ce qui est ou peut être donné en même temps à une même conscience est en nombre fini » et, en note, divers passages de Leibniz, dont celui-ci : « Datur infinitum syncategorematicum… possibilitas scilicet ulterioris in dividendo, multiplicando, subtrahendo, addendo progressus… Sed non datur infinitum categorematicum seu habens actu partes infinitas formaliter ».