Par quelque temps et son subiect attendre
Que par rigueur le destruire et tout prendre.
Et avec un bon sens où la simplicité pourrait bien toucher
de près à la malice, l’auteur ajoute :
Seigneur qui vault tousiours riche se veoir
Riches subiectz il doit tousiours auoir.
Son intérêt d’ailleurs lui conseille la clémence ; Dieu « qui les bons bien guerdonne », récompense sans compter les cœurs larges, et il donnera aux généreux
Autant de biens et plus que n’en vouldront[1].
Un gentilhomme français vit de ses revenus et estime le
commerce indigne de son rang ; les nobles Vénitiens, au contraire,
tiennent à honneur « marchander » ; chez nous les
nobles « ieunes, blancs et grisons »[2] , s’emploient tout
entiers au service du roi, la guerre est leur métier, ils s’y
livrent avec vaillance et hardiesse ; il convient pourtant de
se défier de cette audace inconsidérée qui nous a fait
battre dans tant de rencontres. La véritable valeur sait
obéir, et ne se laisse pas emporter par la passion : la prudence
et la discipline servent autant que la multitude
et l’élan, et s’il faut applaudir le courage, il ne faut pas dédaigner
une bonne position : sages conseils qui sans doute
n’avaient rien de nouveau, mais grâce à notre imprévoyance,
il fut toujours utile, pendant bien des siècles, de nous les
répéter[3]. Le prudent procureur n’oublie pas de rappeler
aux nobles que dans leurs campagnes ils doivent éviter les
exactions et les pillages ; le peuple, par les charges et les
impôts qu’il acquitte, achète le droit d’être protégé par les
hommes de guerre, et pourtant les vexations qu’il subit lui
font parfois préférer l’occupation étrangère au passage d’une