savoir comment on se tirerait d’affaire ». Il saisit enfin sa harpe et lança dans l’air les notes d’une symphonie passionnée et furieuse, qui était comme le reflet de l’état de son âme. Sa femme entra alors. Elle lui apprit que Mousafer-Singue était vivant, qu’un grand nombre de seigneurs du parti de Naser-Singue montraient de vives sympathies pour le prince vaincu, que ce mouvement d’opinions en avait imposé à l’usurpateur, qui paraissait très-éloigné d’un attentat à la vie de son rival. À ces nouvelles, Dupleix releva la tête ; rien n’était désespéré, puisqu’il restait un point d’appui. Dans une conversation entrecoupée de retours de fureur contre les officiers rebelles, « ces lâches qui lui avaient brisé la victoire dans la main », il indiqua le parti auquel il s’arrêtait, la conduite qu’il allait tenir. Selon lui, il ne fallait rien céder. Abandonner la plus légère prétention, c’était se déclarer entamé, vaincu. Plus nous nous courberions, plus Naser-Singue relèverait la tête. Il fallait en rester sur les propositions formulées avant la mutinerie des officiers, car Mousafer-Singue prisonnier n’en était pas moins le petit-fils de Nizam el Molouck ; ses droits n’étaient pas éteints. Il était toujours le soubab reconnu, désigné par l’empereur de Delhi. Il n’avait fait la guerre à Naser-Singue que par ordre du Grand Mogol. Pour les grands seigneurs hindous, c’étaient là des vérités incontestables. La sympathie qu’ils montraient pour l’infortune du prince prisonnier pouvait, après une ou deux défaites de Naser-Singue, se changer en enthousiasme ; rien de plus fréquent dans l’Inde et ailleurs.
Dupleix connaissait les Hindous ; il savait qu’avec de la patience et de la fermeté, on vient toujours à bout