vous prie de me donner là-dessus des ordres précis, qui ne me mettent point dans la nécessité de rien prendre sur moi, et de me prescrire aussi ce qu’il faudra faire, si le nabab se trouve hors d’état, comme cela va arriver, de donner la paye à nos troupes. »
Quand cette lettre parvint à Pondichéry, Dupleix avait terminé les préparatifs de l’expédition combinée contre Trichinapaly et venait de mettre ses troupes en marche. À la lecture de la dépêche du général, il eut un cri de colère et de douleur. Il se voyait forcé de renoncer à un mouvement dont l’exécution, selon toute probabilité, entraînait la perte des Anglais ; cela était dur ; mais ce qui était plus cruel, c’était la persistance de Bussy à vouloir tout abandonner. Quoi ! c’était le héros de Gingi, l’audace même, l’homme qu’il aimait comme son fils, qui, lui aussi, doutait de l’œuvre commune et en proposait la destruction totale ! Il fallait à tout prix empêcher l’évacuation du Dékan. Grâce à sa femme, il ne lui répondit pas sous le coup de l’irritation où il était : il attendit que le calme fût revenu.
Après avoir réfléchi, Dupleix comprit que l’effarement de son ami provenait autant de l’isolement que du souci causé par les attaques de cet ennemi insaisissable dont Bussy lui avait parlé. Il devina tout de suite que l’auteur de toutes ces machinations, c’était Saïd-Lasker-Kan, le ministre de Salabet-Singue. Il résolut de remontrer encore une fois à Bussy l’absolue nécessité de garder le Dékan ; il voulut surtout le prémunir contre lui-même ; mais le début de la lettre du gouverneur portait encore le reflet des émotions qui l’avaient agité ! Il disait le 14 janvier 1754 à Bussy,