Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/36

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et retirent tour à tour le trône. Pas un potentat n’est sûr du lendemain. Les provinces sont ravagées, en proie aux guerres des prétendants, guerres interminables où le bon droit, si toutefois il y en eut, n’a pas souvent gain de cause, guerres où les paravanas de l’empereur de Delhi, décrets toujours obtenus à force d’argent et d’intrigues, n’exercent qu’une influence secondaire, puisque le divan les accorde au plus fort. Les contrées auxquelles la politique des musulmans vainqueurs avait laissé un semblant d’autonomie sous leurs rajahs bouddhistes, proclamaient leur indépendance. Des chefs de brigands devenaient princes. Il n’y a plus en face du trône de Delhi que des vassaux remuants, ambitieux, impatients de secouer la suzeraineté nominale de l’empereur. Et pour cela tout leur est bon, même l’appui des barbares. Les invasions, ce signe de la décrépitude des empires, viennent ajouter leurs horreurs au tragique de la situation. Les Mahrattes, nombreux et féroces, hardis cavaliers, audacieux comme les Normands, sillonnent l’Inde, rapides comme l’aquilon, dévastant les villes, ravageant les campagnes, vendant leur appui au plus offrant, faisant et défaisant les nababs, traîtres sans vergogne. Ils étaient entrés dans les faubourgs de Delhi ; le Grand Mogol avait tremblé au son de leurs timbales et payait tribut aux principaux chefs de leurs clans.

On pouvait considérer comme ouverte la succession au trône du Grand Mogol. Qui hériterait des débris de ce pouvoir si redouté naguère ? Assisterait-on à un morcellement de l’Inde au profit des nababs, ou bien le Peishwa, le plus puissant des chefs mahrattes, succède-