Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment, qui ignore l’affection ou la haine, qui n’obéit qu’à l’intérêt de l’État. Il ne voit dans la conquête de l’Inde qu’une série de combinaisons politiques, de perfidies diplomatiques et d’attaques à exécuter froidement contre certaines positions dont la chute entraîne le succès final. C’est, en un mot, pour lui quelque chose d’analogue à une partie d’échecs conduite avec fermeté, sans s’occuper des pièces du jeu, c’est-à-dire des hommes. Il ne recule pas devant la duplicité et la perfidie dans les négociations. Il ne se préoccupe pas des moyens ; il ne songe qu’à triompher. Il professe la tolérance en matière de religion, allant même en public jusqu’à l’indifférence absolue pour tous les cultes. On lui a reproché un amour exagéré pour le faste et l’ostentation ; ce n’était pourtant pas un fait de caractère, mais bien une attitude toute politique. Les ennemis de Dupleix l’ont encore accusé de poltronnerie devant les balles. La vérité est qu’il était d’une grande bravoure ; mais comme la réussite de son entreprise dépendait de la durée de sa vie, il avait le droit de ne l’exposer que rarement et pour un gros résultat. Il n’estimait que l’habileté.

Sorti de l’obscurité, il devint en peu d’années presque un roi et sans contredit le représentant politique le plus grand du génie français au dix-huitième siècle. D’une activité et d’une clairvoyance sans égales, uniquement préoccupé de son œuvre, plus ambitieux du triomphe de ses idées que du sien propre, sachant prendre une décision en deux minutes au milieu des doutes et des périls de l’action, jamais découragé, plein de ressources pour écarter le danger, jugeant d’un coup d’œil les cir-