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Mais plus stridente encor s’éparpillait dans l’air
Une gamme d’odeurs à défier tout flair,
Et plus farouchement éclatait la fanfare
Des huiles en travail et des âcres saindoux
Épandant leurs relents intenses par l’air doux
Où ta narine en fleur s’effare.


Reporter scrupuleux, j’ai noté, sans rancœur,
Les curieuses voix et les cris de ce chœur
Dont mon nez a perçu la fleurante harmonie :
Boudin blanc, moule en deuil, crabe en pourpre gilet,
Pomme-de-terre d’or, saucisson violet,
Ô grésillante symphonie !


Quand le tram vert et blanc stoppa, je te tendis
Le poing. Ta jambe fit éclair : tu descendis.
Le sol garda la pointe exquise de tes mules…
Soudain une bouffée énorme de senteurs
Monta du tourbillon des feux et des moiteurs,
Selon les flamandes formules.


C’était d’abord l’haleine écœurante des suifs
S’exhalant vers les deux en spasmes convulsifs.
Sur de larges fourneaux chantonnaient les fritures :
La graisse en lents remous roule les prismes blonds
Qui tournent, viennent, vont, montent, nauséabonds,
Plongent et font des fioritures.