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Paul Verhoef.

Ils arrivèrent pourtant sains et saufs à l’ambulance.

Le lieutenant sorta bientôt de sa torpeur.

C’est alors qu’il apprit qui fut son sauveur et dès lors Deraedt devint son ami, son frère…

Ils étaient natifs de la même région. Le père de Deraedt était fermier au sud de Dixmude.

Et maintenant, après la retraite d’Anvers, ils se trouvaient tous deux sur la digue d’Ostende.

Des troupes anglaises débarquaient au port.

— Il est temps qu’elles arrivent, dit Deraedt, nous avons eu notre part.

Il croyait, ainsi que tant de Belges, que les Alliés poursuivraient dès lors seuls la bataille.

— Et moi, j’ai ouï dire, qu’il y a tant de troupes qui arrivent à Zeebrugge. Écoutez donc comme ils chantent, ces Anglais.

— Mais savent-ils ce que c’est que la guerre, lieutenant !

— Je ne le crois pas.

— Ils déchanteront sous peu. Je voudrais m’en rapprocher davantage.

— C’est impossible ! Le port est gardé militairement et c’est nécessaire. Il y a foule à Ostende… on n’y voit que des soldats et des fuyards ! Il y aura des accidents. Rentrons au cantonnement, il y aura peut être des ordres.

— Où vont-ils nous envoyer maintenant ? En France ou en Angleterre ?

— Attendons les évènements.

Paul Verhoef avait la taille svelte et élancée et l’uniforme lui seyait bien. Sa face s’était basanée pendant ces dernières semaines, et tout en caractérisant l’énergie, elle réflétait l’affabilité.

Il était aimé de ses hommes, était sévère mais nullement fier et se trouvait toujours le premier dans la mêlée.

Bientôt des ordres arrivèrent.

Ostende regorgeait déjà de monde. Le régiment devait partir à Stalhille, pour y prendre repos…

Ce soir, Paul Verhoef, rêvassait à la terrasse d’une vieille auberge.

Il n’était pas très distancé de Dixmude… Il aurait tant aimé embrasser Berthe, sa fiancée… Deux mois s’étaient écoulés depuis qu’il l’avait quittée toute en larmes…

Il n’avait plus de parents, et il avait reporté tout son amour sur la jeune fille, dont il ferait sa femme…

À maintes reprises la mort s’était dressée entre eux, mais il avait toujours réussi à la parer…

Pourtant…

Autour de lui les jeunes soldats, tout naïfs, commentaient les événements et estimaient que la campagne était terminée pour eux. Ils avaient vu les Anglais, et d’autre part, les Français avaient également trouvé l’occasion de former leurs effectifs.

La petite armée belge, déjà bien éprouvée, n’était qu’un fétu à côté de ces gigantesques légions… Et elle avait pourtant accompli des actions héroïques. Elle avait fait son devoir et davantage, et l’univers entier témoignait de sa gloire et de sa bravoure.

Cette fois on goûterait le repos…

C’était l’opinion générale parmi les soldats. Paul Verhoef ne partageait pourtant pas cette manière de voir. Il comprenait parfaitement que la lutte n’était pas terminée.

Les Allemands avaient envahi la Belgique et il faudrait les en déloger. Il espérait et avait foi dans l’issue finale, quoique les Alliés eussent devant eux un ennemi puissant et très bien préparé à la bataille.

Les hommes étaient fatigués maintenant et le repos les séduisait, mais ils ne pouvaient pas rester longtemps inertes et dès qu’ils auraient réparé leurs forces, ils devraient songer au passé affreux : à Orsemael, Gusenhoven, Tirlemont, Louvain, Dinant, Andenne, Malines, Termonde, aux ruines disséminées, aux fermes méchamment incendiées, aux maisons, villages et villes détruits, aux prêtres martyrisés, aux bourgeois fusillés, aux femmes et filles violées par les soudards, aux multiples tombes de leurs frères d’armes…

Il fallait la revanche.

Paul Verhoef la ressentit pénétrante.

Il avait parcouru les régions des Flandres, ces derniers jours, ces belles régions parées de leur toilette automnale, baignées d’un soleil d’or et qui, comme en un suprême adieu à ses coura-