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Les bruits les plus étranges se propageaient et les journaux eux-mêmes ne semblaient pas connaître la vérité.

À l’approche d’Ostende, on entendit le ronflement d’un avion. Un taube planait très haut dans les airs, mais il n’était pas, à portée de fusil.

Il évoluait maintenant au-dessus de la ville balnéaire qui regorgeait de soldats et de fuyards et qui témoignait d’un désordre extraordinaire.

De temps à autre on entendait l’explosion de bombes.

— Un nouvel assassinat ! cria Verhoef indigné. C’est une honte, un vil crime que de jeter des bombes sur une ville ouverte où des milliers de fuyards, hommes, femmes et enfants cherchent un asile.

Le canon et les mitrailleuses pointèrent l’avion, mais le taube disparut à nouveau.

Les bombes n’avaient heureusement occasionné que des dégâts matériels de peu d’importance.

Le régiment partit cette fois pour Middelkerke.

Le temps était brumeux et la pluie perçait de temps à autre… Les dunes et les maisons étaient comme drapées dans un nuage grisâtre.

— C’est tout à fait de circonstance pour le pays, pensa Verhoef… C’est un linceul… Allons, haut le cœur !

On fit halte à Middelkerke. Le village et la plage étaient noirs de monde. C’était en majorité des fuyards hésitant à prendre une décision, disposés à partir en Angleterre, mais formulant une foule d’objections quant à la traversée sur mer.

Et d’Anvers on était toujours sans nouvelles.

Le régiment resta à Middelkerke pendant toute la journée et y fut caserné au Kursaal.

Verhoef observa sans cesse le va et vient des trams espérant voir Berthe dans la cohue, mais il fut déçu.

Le commandant lut les ordres avant le couvre-feu. Les soldats devaient être prêts à partir au premier signal.

De grand matin, les sergents criaient « Aux armes », et le régiment s’en alla à Ichtegem.

Des taubes parurent et disparurent, repérant la marche des troupes belges… Les Allemands les suivaient donc.

Pourtant nul n’était fixé…, on s’en allait plongé dans l’incertitude et beaucoup, craintifs, ignorant d’où surgirait soudain le danger et comment on le parerait.

Le régiment fit halte à Ichtegem. Il fallait creuser des tranchées à la gare.

Des tranchées ? Se battrait-on ici… allait-on à nouveau se trouver seul devant un ennemi supérieur en nombre, se battrait-on encore avec désespoir pour aboutir à la retraite ?…

Mais les soldats firent des excès de zèle et les tranchées furent prêtes le soir… ; ils y montèrent la garde, pendant que d’autres sentinelles furent postées sur tous les chemins et les routes.