Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/101

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amitié prend des airs mystiques ! Vous êtes les prêtres d’une religion morte, mes pauvres gémeaux !

— Je ne demande pas mieux que de l’admettre, pour la honte de l’humanité ; mais croyez bien que j’aurais été par moi-même incapable d’un tel sentiment si Pierre n’eût tout rapporté.

— Vous êtes modeste.

— Devant lui seul…

Au fond, et bien qu’elle se sentît en présence d’une union de cœur qu’elle n’aurait pas soupçonnée, et dont elle n’avait rencontré aucun exemple, elle croyait ce mondain trop épris de la femme pour qu’il n’y eût pas quelque affectation dans son austérité. Elle en ferait beau jeu, si elle voulait ! Et la pensée qu’elle pourrait vouloir s’habitua dans son esprit. Confusément d’abord, puis, avec une perversité plus précise, elle songea qu’il serait amusant de suivre jusqu’où persisterait tant de vertu. Quelle distraction que la lutte, et surtout celle-là ! Des tactiques, des plans qu’on fait et qu’on défait, jouer avec une âme comme un chat roule un peloton de laine, jouer, pour voir ! Et quand un soir, dans sa chambre, l’idée fixe de tenter cela devint brusquement une chose résolue, elle rit et tapa des mains.

Son mari se retourna.

— Qu’y a-t-il donc, Merizette ?

— Rien, chéri ! Je suis contente.

Elle lui sauta au cou et le baisa.

Il la retint.