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Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/154

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— Vous leur faites trop d’honneur.

— Cruelle !

— Nous avons manqué le lancier.

Jeanne éprouvait un dépit de toujours rencontrer Desreynes au bras de la même rivale.

— Soyez gentil avec elle, souffla Merizette ; elle vient d’avoir des chagrins et se console de l’amant avec l’amoureux.

Le baron, dans un intermède, récita quelques vers d’une poésie sentimentale : il secouait sa calvitie.

— Heureux jeune homme, soupira Georges ; moi, j’ai tant aimé que j’en ai perdu l’habitude.

— Pauvre vieillard ! soupira la sous-préfète. N’êtes-vous plus assez faible pour aimer ?

— Ni assez fort pour être aimé.

— Vous n’en semblez qu’à peine triste.

— Il faut être philosophe : j’ai tant d’orgueil que, lorsqu’une chose me manque, je m’en félicite. D’ailleurs, tout veut un terme : vos pareilles m’auraient rendu stupide, ou du moins aussi bête, si vous approuvez la comparaison, qu’une femme intelligente.

Les dames du beau monde se plaisent volontiers et se prennent parfois aux insolences qui sont doucement prononcées, tout au contraire des courtisanes, qui réclament d’abord la déférence et ne se grisent que de respect, à défaut d’or.

La Parisienne ne répondit que : « Vraiment ? »

— Bien vrai ! Je me suis fait bête pour elles, car il faut rire comme elles, parler comme elles, penser