Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/240

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— Pardon, chérie. J’arrive bien tard et vous mourez de faim, mais j’ai fait de bonne besogne.

Il la baisa au front.

— Comme voilà longtemps que je ne vous ai vue ! Venez qu’on vous admire. Tu es belle. Quand je suis loin de toi, il me semble que je suis loin de ma vie.

Merizette se dégagea, et marcha la première.

— Barraton est acquitté ; je m’y attendais. Tu n’as pas l’air d’en être satisfaite ?

— Si, mais veux-tu que je danse ?

— Et Georges ?

Elle était plus embarrassée qu’elle n’avait prévu : cette faiblesse l’offusqua.

— Je ne sais où il est. Je ne l’ai pas revu depuis… plusieurs heures.

— C’est étrange. Vous êtes-vous encore querellés ?

— Querellés ?… Oh, non.

— Il est dans sa chambre ?

— J’en doute. Vois, si cela te plaît.

Pierre alla, et ouvrit la porte : le soir était tombé dans cette pièce grise, où les étoffes pendantes et les meubles rangés s’immobilisaient dans la pénombre, rigidement, avec l’air d’abandon, la tristesse immuable des choses qui ne sont plus touchées.

— Personne, dit-il en revenant.

— Ce n’est pas une raison pour transformer notre salle à manger en radeau de la Méduse. À table !

On servit.

D’Arsemar conta ses émotions de la journée, et les