Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/293

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Alors, Georges s’en alla aussi.

Comme il ouvrait la porte, il perçut le bruit de pas qui se sauvaient dans le couloir, et des rires étouffés.

Pierre savait, mais il ne croyait pas encore.

Quand il releva la face, il vit la chambre vide, nue, muette, grandie.

Les murs s’écartaient de lui.

La table en désordre indiquait un repas interrompu.

Une chaise était renversée.

Personne ne s’assiérait plus là.

Seul !

Oh ! Bienheureux encore dans leur détresse, ceux qui peuvent, quand l’avenir s’éboule, se réfugier dans leur passé intact ! Ne pas renier les heures d’autrefois, et si l’on ne croit plus à la vie, croire du moins qu’on a vécu !

Tous partis…

Quand Pierre se réveilla, il douta, car le doute est la dernière forme de l’espérance.

Il se leva et voulut s’en aller comme les autres.

Ses jambes le supportaient à peine.

Il se retira dans le jardin.

Les arbres chaviraient comme des mâts de navires.

Il s’assit sur un banc, les bras gourds et les prunelles vagues.

Il ne voulait toujours pas croire.