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Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/386

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Pierre, devant le pouce de bronze usé sous les lèvres pieuses, il n’eut plus comme hier l’admiration pour la foi, mais le courroux pour les duperies théâtrales et la pitié pour les aveuglements. De chaque endroit, un nouveau dégoût le chassait : à Sainte-Marie-du-Peuple, un prêtre, qui officiait avec désinvolture, devant les fidèles écrasés sur les dalles, interrompit la phrase latine pour se retourner vers la foule, et cracha bruyamment contre les degrés de l’autel.

Tout conspirait pour chagriner son oubli ou répugner à son cœur.

— Allons-nous-en, répétait Georges : cette ville ne te vaut rien, et je me sens mal ici : l’air est accablant. Tout le monde a fui les fièvres, faisons comme le monde.

— Pas encore.

Les deux seules impressions sympathiques qu’ils purent obtenir à Rome leur vinrent au Colisée, par une nuit de lune, et sur la voie Appienne, au coucher du soleil.

Ce soir-là, ils étaient sortis par la porte Saint-Sébastien, quand leur voiture rencontra sur la route la bande des forçats qui rentraient du travail : les rayons obliques du jour déjà mourant baignaient de feu le drap rouge des vestes et les anneaux des chaînes, dans la poussière d’or qui se nuageait sous les pas : sur quatre rangs, les parias cheminaient au cliquetis des fers avec un visage tranquille qui reposait du proxénétisme : un enfant arrêté sur un seuil leur disait