Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/39

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trer l’épouse comme il avait rencontré l’ami : après cela, il élèverait un grand mur entre lui et le monde. Il ne permettait à ses caresses que les femmes de tous, et se refusait impitoyablement celles qu’il eût pu se rappeler au lendemain. Son excès de sentimentalité le rendait cruel à l’excès : une servante de brasserie s’empoisonna pour lui : il la fit soigner et ne voulut point la revoir. Elle guérit, d’ailleurs, et oublia : les femmes sont susceptibles de se tuer plus aisément que de se souvenir.

Desreynes était mondain, courait les coulisses et multipliait ses maîtresses. Il eut un duel, pour un mot malsonnant prononcé contre Pierre, et reçut un coup d’épée dont son ami ne soupçonna jamais la véritable cause.

Georges était le plus riche : ils faisaient bourse commune.

Dix années s’écoulèrent ainsi, et tout changea brusquement.

Arsemar hérita d’une fortune considérable et qu’il n’espérait pas ; il dut quitter Paris pour aller prendre en province la direction d’une entreprise industrielle, où plusieurs millions étaient engagés, et dont il se trouvait le principal actionnaire.

Desreynes l’accompagna, l’installa, et revint : Paris lui sembla vide, et la Parisienne monotone. Un matin, il se réveilla avec un furieux appétit de voyages, et, pendant une semaine, rêva d’épouses jaunes et d’esclaves noires. Un désir, chez lui, mourait ou se réali-