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LES CULTES.




UN POÈTE



Égoïste rêveur qui rythmait des sanglots,
Il s’écoutait pleurer pour chanter sa torture,
Mais jamais le soupir qui sort de la nature
Ne vibra dans son cœur orgueilleusement clos.

Amantes, il scandait vos douleurs et vos los :
Sa poésie avait son remords pour pâture ;
Il chantait, redressant sa superbe stature,
Et ses strophes avaient l’ample douceur des flots.

Comme un lac d’harmonie où les peuples vont boire,
Son vers se déroulait dans l’orgueil de sa gloire,
Et sa vie impassible et lente s’achevait.

Mais lorsqu’elle sonna, l’heure du vrai martyre,
Lorsqu’un vrai désespoir s’assit à son chevet,
Grand dans sa douleur grande, il mourut sans rien dire.