Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

64
LA VIE EXTÉRIEURE.


I I I

SOCIÉTÉ


La foule, ivre du sang promis, trépigne et hue,
Battant des mains, jetant des cris et des chansons.
L’air flambe ; l’échafaud, droit sur ses étançons,
Se hausse comme un phare et luit sur la cohue.

Voici qu’un flot d’enfants et de femmes se rue :
Fusils, faux, sabres nus, piques, estramaçons.
L’acier brille ; les gueux trônent sur les arçons,
Et le chariot tourne à l’angle de la rue.

Il vient, pesant… Chénier monte sur l’échafaud.
« À mort ! À mort ! » Superbe, il attend, le front haut :
Un vers harmonieux chante dans sa pensée.
 
Il passe avec lenteur ses doigts fins à son cou,
Rêve sur l’homme, songe à l’œuvre commencée,
Et sa tête aux yeux clairs tombe au panier, d’un coup.