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LA VIE EXTÉRIEURE.

On le vit sur le mur et les pieds dans la grille
Chercher son équilibre au haut du pont-levis.
Il se mit à son œuvre : et, détournant les vis,
Faisant sauter les clous hors des poutres de chênes,
Broyant les gonds, tranchant l’anneau rouillé des chaînes,
Il travailla longtemps, car l’ouvrage était dur.
— Feu !
Les balles heurtaient et déchiraient le mur
Et faisaient des trous ronds dans la blouse volante.
— Feu !
Tout autour de lui la mort passait, sifflante,
Et ses souffles vibrants l’effleuraient tout entier.
Mais le charron, sans plus frémir qu’à son chantier,
Levait et rabaissait sa hache, lent et grave.

 
Ô jours ! Race des forts ! Siècle où l’on était brave,
Âge auguste où le sol enfantait des Titans !
Le vil Peuple, oublié dans l’abîme des temps,
Se dressait tout à coup de sa terre féconde,
Et, la justice en main, balayait le vieux monde !
Salut à vous, manants, roturiers et vilains !