Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
LA PEUR

parce que je voulais être ton homme, avec le maire et le curé ! Bon sang ! Entre les deux yeux, oui, que tu m’as cogné !

— Il faut pardonner les offenses.

— Si dur que je suis tombé par terre ! Tu as oublié ça, peut-être ?

— Ce soir-là, Toussaint, c’est pas ma faute : tu te rappelles bien que tu étais saoul…

— Aujourd’hui aussi, je suis saoul !

— Toussaint ! Regarde la mer qui monte !

— Oui, je suis saoul ! Tu diras pas non ! Mais t’as besoin que je t’envoie à terre, alors, tu fais la chatte !

Elle essaya de sourire, mais son sourire était tordu d’angoisse. Il ploya les jarrets, et les mains aux genoux, rabougri, avançant la tête, avec des yeux en fureur et une mimique de bête :

— Miaou, la chatte ! Miaou, que tu fais ! Et tu viens te frotter ! Et puis, au fond, tu te fous de moi ! Je te connais, va !

— La mer arrive, Toussaint !

— Oui, je te connais ! Mais quand je suis saoul, on ne m’en conte pas ! Je te connais !

Grisé de plus en plus par ses propres