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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/103

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SUR LA ROCHE

titubant. Mais ses jambes le trahirent ; les aspérités du granit accrochaient ses souliers ; dès le troisième pas, il tomba lourdement et geignit. Il resta étourdi pendant quelques secondes, puis, avec des gestes gourds, il chercha son outre sur sa hanche, derrière son dos.

— Bois pas, Toussaint…

Affalé et s’appuyant d’une main sur la roche, il s’acharnait à trouver la gourde vers ses reins, et parlait en même temps :

— … coute, Anne-Marie, … coute-moi bien ! Si tu veux point, je voudrai point. T’as compris ?

— Non, Toussaint…

— Si, t’as compris ! Tu veux pas venir ? Tant pis pour toi !

— Demain… je te promets…

— Si tu viens pas, je te laisse sur le caillou. Moi, je sais nager. Toi, tu sais pas. Si tu veux que je t’envoie à terre, faut pas rouspéter. Fais ce que je veux, et moi je ferai.

— Pas ici ! J’ai trop peur, ici ! Tu vois donc pas la mer qui vient, qui va être sur nous ? Elle va arriver, Toussaint.