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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/124

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LA PEUR

Je voulus remuer, je ne pouvais pas ; je voulus voir, et je me constatai aveugle : dans les ténèbres, des ronds de clartés prismatiques roulaient et s’évanouissaient.

— Je vais mourir !

Je croyais à mon agonie sans m’en expliquer la cause ni les conditions, et aussi sans chercher à les connaître. Un temps indéfini, mais qui dut être assez bref, s’écoula dans cette demi-torpeur. Enfin, apparut en mon cerveau le traditionnel : « Où suis-je ? »

De nouveau, j’essayai de mouvoir mon corps, mais vainement : des choses dures, aiguës, l’enserraient de toutes parts, et leurs arêtes me pénétraient, à chaque tentative d’un geste.

— Qu’est-ce que tout cela signifie ?

Par l’effort de comprendre, mon esprit se suscitait, ressuscitait : si obtus que fût encore mon intellect, je dépensais à cet effort une volonté prodigieuse, qui me faisait mal sous le crâne. Puis, tout à coup, une terreur folle me prit, et mouilla mon front de sueur : j’avais compris, je me souvenais !

Le train lancé à toute vitesse, le choc ! C’est bien cela : nous avons déraillé, nous