Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
LA PEUR

la minute d’être constatées, et je les constatais tour à tour.

La première qui se révéla fut celle de mon derme pâle, et je le remarquai d’abord, sans doute parce que ma souffrance a d’abord attiré vers moi l’attention de ma pensée naissante.

Mais je ne vis de moi que mon bras gauche avec sa main, c’est-à-dire ce qui gisait sous mon regard oblique ; la vision du reste m’échappait, car, en dépit de mes efforts, il m’était impossible de mouvoir mes yeux dans leur orbite.

La seconde image, survenue presque en même temps, fut celle d’un visage tuméfié, noirâtre, devant le mien, mais un peu au-dessous du mien, et par-dessus lequel mon regard avait glissé quand j’avais aperçu mon bras.

Ces choses, d’ailleurs, s’estompaient encore dans un brouillard.

Lentement, le brouillard se dissipa, ou presque, tandis que mon esprit devenait plus lucide.

Avec ma lucidité, ma torture croissait ; elle fut si intense que je crois m’être évanoui plusieurs fois.