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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/181

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LE PRISONNIER DE SON ŒUVRE

queuse, ça, c’était Berthe, son corps fin, ses seins magiques, son ventre radieux, son rire de défi ! Ça !

Alors, tout d’un coup, pour la première fois, une pensée sauta en moi :

— Mon œuvre ! Voilà ce que j’ai fait de sa beauté vivante ! Voilà ce que j’ai voulu faire ! Ce monceau d’infection, c’est le produit de ma volonté.

Cette troisième journée fut atroce.

La fièvre me dévorait de soif, et j’entrais dans la période des angoisses morales ; pleinement lucide, je regrettais déjà mes tortures de la veille et de l’avant-veille, qui avaient fait de moi une brute sans pensée.

Il me semblait que le cadavre rayonnât du froid, et, de son côté, toute ma peau en était glacée. Par un effort qui dura des heures, je réussis à gagner l’autre bord du lit.

Mais, de là, je la voyais trop, ma victime ! Malgré moi, avec une persistance de malade, je la regardais sans pouvoir ne pas la regar-