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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/19

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À la mémoire
de mon ami
MAURICE ROLLINAT

Vieil ami, je t’offre ces contes, parce que tu aimais les frissons de la peur, et parce j’aime dédier mes livres à des morts.

Tu n’as plus rien, à cette heure, que le repos, et de ton vivant tu n’as pas eu ce que tu méritais.

Le monde t’a peu compris ; il t’a fêté pour son plaisir et non pour ta valeur : quand tu as comparu devant lui, il a applaudi des effets sans discerner les causes et dans son enthousiasme provisoire pour ta voix, ton geste et ton masque, il t’a décerné le renom d’un mime.

À te voir, à t’entendre, on a admiré la souplesse d’un talent habile à parodier les cauchemars, alors que l’habileté fut précisément ce qui te manquait le plus ; on t’a pris pour un comédien prodigieux, alors que simplement tu fus un poète naïf qui renouvelait en lui, rien qu’à réciter son poème, les tortures de l’enfantement.