— Où allons-nous ?
— Tu le sauras !
Je le savais mieux que lui, et depuis deux semaines. Ai-je besoin d’ajouter qu’il n’existait aucun train à l’heure indiquée par Blasquez ? Je ne lui avais laissé d’initiative que pour le choix des heures, et il nous choisissait un train inexistant. Peu importe : le soir même, nous partions pour Perpignan, où nous ne restions qu’une journée, afin de « dépister la rousse ». Le surlendemain nous amenait à Lyon ; de là, en route pour Genève !
Émile nous y reçut. Je feignis la surprise ; Blasquez jouissait de mon étonnement.
— Hein ! C’est conduit, ça ? Personne ne s’est douté de rien, pas même toi.
Cette première entrevue avec ma proie fut empreinte de quelque gêne ; sans doute, je le haïssais trop, l’assassin de mes chéries, et une électricité répulsive se dégageait de moi, en dépit de ma volonté tendue. Je m’ingéniais en vain à des sourires amicaux. Blasquez s’indignait de nos froideurs.
— Voyons, La Ballade ! Jarguina t’a sauvé la vie, et il en a perdu sa place ; sans lui, tu n’en mènerais pas large : ça compte,