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LA PEUR

bien, nous autres bêtes, même quand nous ne l’avons jamais sentie, et je pense que les hommes, malgré leur intelligence, n’ont pas le sens de cette odeur épouvantable, car on les voit se promener tranquilles au milieu d’elle, tandis qu’elle nous affole jusqu’à nous rendre stupides.

Dans la grande cour où j’entrais, je fus accueilli par des hommes dont le tablier était ensanglanté, et ils déclarèrent que j’allais d’abord servir à des expériences. J’en fus bien satisfait, parce que je ne demande qu’à servir, mais surtout parce que ma mort allait se trouver retardée : ce serait autant de gagné, et les expériences pouvaient durer longtemps. Assurément, j’aurais mieux aimé achever ma courte existence dans un endroit moins lugubre ; mais les chevaux n’ont jamais le choix.

On m’amena tout contre la maison, et quand on m’eut retiré de la charrette, on noua mon licol à un anneau du mur, entre la porte et la fenêtre. Au-dessus de la porte, des mots étaient écrits, en grosses lettres d’enseigne :

LABORATOIRE DE VIVISECTION